site anne-catherine caron lettrisme

 
 

En 1978, Anne-Catherine Caron publie Roman à Equarrir, un roman hypergraphique composé de nombreuses pages de texte interrompu par des planches dessinées dans ses deux non-couleurs de prédilection, le noir et le blanc. Ce petit livre mal équarri, selon ses termes, s’ouvre sur les domaines idéationnels d’un imaginaire rejoignant l’infime et incite, parallèlement, les lecteurs potentiels à des interventions possibles. L’on peut y voir l’exercice de style ludique et rigoureux sur le thème du carré auquel se livre de manière jouissive l’auteur qui traduit par « un manifeste personnalisé » ses déclinaisons carrésiques et les réalisations potentielles qui peuvent en surgir. Il s’agit d’une œuvre conceptuelle, qui développe les lignes de force du Lettrisme. « C’est un roman, mais en même temps cela n’en est pas un », déclare l’artiste, puisqu’il s’agit d’un roman qui cherche constamment l’objet et le sujet de son écriture, et, avant de s’interroger sur les formes possibles de la narration, s’essaie, de manière presque obsessionnelle, à définir et à cerner les configurations possibles de son personnage principal : le carré sur lequel elle « construit la sensibilité ». En exergue, l’artiste a placé une phrase significative d’André Gide, « Ce livre barbare, mal équarri, sans art, sans grâce ». L’auteur avertit immédiatement le lecteur : « Attention, il y a du carré à chaque ligne ! » Mais la trame est totalement absente, la narration traditionnelle est résolument cassée, par son oubli de début réel qui apparaît volontaire dans l’œuvre. 

Ce roman « donné-à-voir », représente un processus d’explicitation de l’intériorité de l’artiste, et ceci, dans une perspective que n’embrassent pas, du moins dans leur intégralité, certains des romans hypergraphiques conçus par Isou, Pomerand ou Sabatier, construits autour d’autres problématiques théoriques, romanesques et plastiques. D’ailleurs, le Roman à Equarrir pourrait également se définir comme un anti-roman hypergraphique. La narration esquissée, par endroit, s’élabore et se perd synchroniquement, et sans cesse, ne commence et ne s’achève. La structure du livre est bouleversée, niée, sa pagination n’a pas de sens réel et pratique, sa numérotation est volontairement altérée, on sent que l’auteur à voulu jouer, peut-être à cette sorte de cache-cache avec les mots qui la hantait avant de découvrir l’inépuisable richesse du domaine de la super-écriture. Quant aux divers titres constituant la table des matières, on a le sentiment qu’Anne-Catherine Caron s’amuse avec des références qui lui sont propres et que son discours est de les désorganiser pour  jouer de l’idée de « discrépance » qui lui est apparue, dans le rapport dissocié de l’image et du son lors de la projection du chef d’œuvre cinématographique d’Isou, de 1950, Traité de bave et d’éternité.

(Mirella Bandini, La Traversée de l'infini des carrés, Paris, 2003, Ed. Archives du Créatisme et du Lettrisme., die absolu – le carré –, inscrit dans l’espace devenu pictural. L’on peut certainement lire ici une adaptation, qui prend des allures juvénile


































s, des fondements géniaux mis en place par le créateur

(retour sommaire)

 

Anne-Catherine Caron, Roman à Equarrir,  Editions Anakota, Paris, 1978.